FAIRE

2020… partant du triste constat que la pandémie avait mis à défaut l’espace public, une des valeurs les plus universelles de notre époque, et sa destinée première : être ensemble. Pire encore, elle avait installé une nouvelle forme de défiance, une nouvelle peur de l’autre, susceptible, par sa proximité d’être dangereux. L’urbe condita n’est plus. Révélateur de cette obsolescence nouvelle, une signalétique d’urgence à fait son apparition : scotchs, rubans, affichettes, marquages au sol, peintures… invitant les individus à trouver une place précaire sur le support infini qu’est le commun. Ces dispositifs de fortune étaient une preuve tangible des limites d’un espace public que nous ne saurions ouvrir ou fermer qu’en cas de force majeur, à la hâte et sans en avoir le choix. Cette situation hors norme, offrait donc l’opportunité de re-questionner l’espace public, son intensité, sa malléabilité. Peut-il être protéiforme ? Peut-on réguler l’usage d’un espace public autrement qu’en en contrôlant l’accès ? Lorsque nous sommes contrait d’être loin les uns des autres quel est l’élément capable de nous réunir ?

Notre proposition s’inspirait des crues récurrentes de la ville de Venise « Acqua Alta ». Ce phénomène naturel transforme momentanément des espaces publics à forte affluence, telle la Piazza San Marco, en un paysage aussi désolé que surprenant de beauté. Nous avions alors envisagé d’utiliser l’eau comme matérialité(s), sous toutes ses formes, afin d’en faire un matériau de construction capable d’altérer le paysage tant visuellement que physiquement. Le projet envisageait donc la création d’un espace public inédit : une topographie accessible dont l’eau serait le seul gardien. Par la construction d’une surface ondulante, dont l’espace disponible est rétractable, l’eau deviendrait le matériau capable d’en faire varier la jauge d’occupation : un phénomène de crue maîtrisé. L’eau en même temps qu’elle remplit l’espace, le condamne, le transforme et rend variable l’occupation de l’espace public au gré des nécessité :

Asséché, le mouvement du sol et ses ondes le rendent tactile, il devient le support de tous les usages.

Partiellement immergé, des « îles » et des « lacs » se dessinent, les jeux d’eau sont possibles. Il participe au rafraîchissement urbain.

Immergé, une lame d’eau recouvre sa surface, un paysage se dessine, une étendue d’eau, lieu de tous les reflets. Il devient un espace contemplatif.

L’expérience, c’est l’usage des lieux, les souvenirs qu’ils impriment dans la mémoire lorsqu’ils sortent de l’ordinaire : quand le fonctionnel stimule le sensible. Cet espace public, dynamisé par la présence de l’eau, concrétise diverses atmosphères au travers de climats artificiels. Ses mouvements le rendent tactile et appropriable. Ce dispositif est un espace capable autant qu’un paysage. Il saura, en période estivale, être un îlot de fraicheur et en hiver, une patinoire. La présence de l’eau dans l’espace public contracte les espaces disponibles et restreint les parcours : en temps de pandémie, l’eau interdira l’accès laissant libre cours à la contemplation. L’eau réunit autant qu’elle sépare.

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